Responsabilité décennale de l’architecte en charge du dossier de permis de construire
Un architecte qui s’est vu confier l’établissement et le dépôt de la demande de permis de construire engage sa responsabilité décennale, in solidum avec le bureau d’étude et le maître d’œuvre, pour des désordres imputables à la mauvaise qualité du remblai préalablement mis en œuvre par le maître d’ouvrage. En tant qu’auteur du projet architectural, il appartient à l’architecte de proposer un projet réalisable, tenant compte des contraintes du sol. (Civ. 3e, 21 nov. 2019, n° 16-23.509)
En l’espèce, une SCI fait construire sous sa maîtrise d’ouvrage un garage sur un terrain dont elle a elle-même réalisé le remblai. La SCI confie la conception et l’exécution des travaux à différents intervenants. Constatant un soulèvement du sol et l’apparition de fissures sur le dallage, la SCI assigne, après expertise judiciaire, les différents constructeurs, afin d’obtenir réparation des désordres. L’architecte, qui n’a été missionné qu’au titre de l’établissement et du dépôt de la demande de permis de construire, est condamné sur le fondement décennal, in solidum avec l’auteur des études de fondations et le maître d’œuvre, à indemniser le maître d’ouvrage.
L’obligation pour l’architecte de proposer un projet réalisable.
La Cour de cassation rejette le pourvoi, en confirmant que l’architecte, auteur du projet architectural et des documents du permis de construire, a l’obligation de proposer un projet réalisable, tenant compte des contraintes du sol. Or la cour d’appel a pu constater que la mauvaise qualité des remblais, mis en œuvre avant l’intervention de l’architecte (et non après), était la cause exclusive des désordres compromettant la solidité de l’ouvrage, ce dont elle a exactement déduit l’engagement de la responsabilité décennale de l’architecte.
La Cour de cassation réaffirme ainsi que l’architecte en charge du dossier de permis de construire est tenu de réaliser ou de prendre connaissance des études de sol qui s’imposent, afin de se doter d’une vision exhaustive des contraintes à prendre en compte dans le cadre de la conception, sous peine d’engager sa responsabilité légale.
En toute logique, les pièces nécessaires à l’obtention d’un permis de construire ne sauraient être élaborées de façon purement théorique et déconnectée, sans tenir compte de leur adéquation concrète aux sujétions du site. Dès lors, bien que la mission confiée à l’architecte fût en l’espèce circonscrite aux seules pièces écrites et graphiques nécessaires à l’établissement du dossier de permis de construire, cela ne l’exonérait pas de son obligation de conseil et de mise en garde à l’égard du maître d’ouvrage, quant à l’adaptation du projet aux risques du sol. Puisque le remblai avait déjà été mis en œuvre lors de l’intervention de l’architecte, il lui appartenait d’établir des documents permettant d’aboutir à un projet réalisable sur le terrain d’assiette de l’opération.