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Le refus de démolition d’un ouvrage public irrégulièrement implanté relève désormais du plein contentieux

Dans un arrêt rendu le 29 novembre 2019, le Conseil d’État complète son édifice jurisprudentiel en matière de contentieux de la démolition des ouvrages publics. Il reconnait que le juge du plein contentieux peut être saisi directement d’une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d’un ouvrage public dont il est allégué qu’il est irrégulièrement implanté. (CE 29 nov. 2019, req. n° 410689)

La Haute juridiction était saisi du pourvoi de M. P. contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris rejetant son recours contre le rejet de ses demandes tendant à l’enlèvement d’ouvrages installés provisoirement sur le site de l’École nationale des Beaux-arts. Édifiés en 2001, ils auraient dû être enlevés à l’été 2005. Or onze ans plus tard, les bâtiments n’avaient toujours pas été démontés.

« Lorsqu’il est saisi d’une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d’un ouvrage public dont il est allégué qu’il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l’implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l’administration », le juge administratif statue comme juge de plein contentieux.

Office du juge

Le Conseil d’État précise son office dans ce cas. Ainsi, il lui appartient de « déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l’ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d’abord, si eu égard notamment à la nature de l’irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d’une part les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, d’autre part, les conséquences de la démolition pour l’intérêt général, et d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général. »

Pas d’atteinte excessive à l’intérêt général

Appliquant cette méthode en l’espèce, il relève que les deux bâtiments ont été autorisés pour une durée de quatre ans à compter de l’été 2001. « Ces ouvrages ayant été maintenus sans autorisation au-delà de ce délai, ils sont irrégulièrement implantés. »

De plus, « le maintien de ces bâtiments préfabriqués en acier et en verre installés entre le palais des études et le jardin de l’hôtel de Chimay de l’École nationale supérieure des Beaux-arts, classée au titre des monuments historiques, porte une atteinte substantielle à l’intérêt et au caractère de leur site d’implantation et de leur environnement proche et présente ainsi un inconvénient majeur pour l’intérêt public qui s’attache à la préservation du patrimoine ». Enfin, « il ne résulte pas de l’instruction, contrairement à ce qui est soutenu en défense, que la continuité du service public de l’enseignement supérieur rendrait indispensable le maintien de ces ouvrages, ni que l’intérêt qui s’attache à la proximité géographique entre les locaux d’enseignement de l’École nationale supérieure des Beaux-arts et l’École nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais ne puisse être satisfait autrement que par l’usage continu de tels bâtiments ».

Pour toutes ces raisons, « la démolition des ouvrages litigieux ne saurait être regardée comme entraînant une atteinte excessive à l’intérêt général », considère la Haute juridiction.